Ma tâche consiste à essayer de peindre avec mes lettres les touches subtiles du jardin. Il est petit mais il me semble énorme. Sans doute est-ce dû au chêne qui paraît immense tant ses branches sont chargées de feuilles innombrables. Ombre et lumière changent les couleurs et la même feuille passe du presque noir au vert puis au jaune éclatant. Est-ce que les rayons du soleil s’amusent à ce jeu ? Sous l’arbre c’est la forêt vierge. Un gigantesque palmier dépasse le tronc du chêne tandis que canas, hortensias et fuchsias se mélangent gaiement au jaune du millepertuis.
Le lilas abrite un groseillier, une clématite s’appuie contre la maison des oiseaux tandis qu’un jeune érable japonais frissonne au moindre vent.
Un couple de pigeons roucoule dans les branches. À l’ombre du chêne, une structure en bois exotique soutient un hamac frangé dont les couleurs vives se délavent l’été venu. Le mur du fond est fait de deux parties. Le bas est superbe fait de pierres jointoyées de terre dans laquelle poussent toutes sortes de végétations. Le haut est affreux ; un béton sale qui attend d’être décoré. J’y verrais bien une grande fresque d’animaux.
Collée au mur, une petite table avec un fauteuil attend une visite.
Prolongeant le séjour, la terrasse abritée par un vieux parasol offre table et chaises. J’y dépose mes céramiques, j’y bois le café et je m’y installe pour écrire avec comme fond sonore les Chants d’oiseaux. À droite un grand chalet en bois abrite mes poteries. Sous son auvent, un matelas couvert d’un tissu rouge est le refuge de Flo et Oly, mes deux chihuahuas.
En fait ce merveilleux silence du jardin où je passe mes vacances est très musical.
Rythme de la mer, souffle du vent, percussions des branches, cuivres des chants d’oiseaux.
Sans doute beaucoup de bémols car j’y suis très sensible. Ici tout est caresse pour les sens.
À commencer par la peau sur laquelle glisse un air frais, l’oreille est comblée, l’œil ne finit pas de s’ajuster au miroir de lumière et l’odorat s’enivre des parfums de roses et d’achillées. Même le bougainvillier s’essaye à des effluves.
Sur la table mes oiseaux de céramique voudraient répondre au merle. Voilà trois pages d’amour de ce jardin auquel j’appartiens chaque jour davantage.
Mon périmètre de vie est de plus en plus restreint, mes mouvements rétrécissent mais dans ce silence je rentre au plus profond de moi et je dis merci. Merci à cet arbre qui me donne la fraîcheur, merci à ce merle qui m’offre un concerto. Peut-être suis-je l’arbre, peut-être le merle et ce grand océan donc tout dépend ici.
Je vais mourir et ça n’a pas d’importance, les feuilles qui se détachent de la branche n’en sont pas affectées.